Le 17 janvier 2025, la Cour de cassation, en Assemblée Plénière, a procédé à une évolution de sa « doctrine » sur la question suivante :
Un testament international, rédigé dans une langue que le testateur ne comprend pas, est-il valable ? Et dans l’affirmative, à quelles conditions ?
Cass. ass. plén., 17 janvier 2025, n°23-18823, B+R
Petite note informative – très succincte – sur cette décision qui fera, n’en doutons pas, l’objet de divers commentaires dans les revues spécialisées ✔📙📚💡
Les faits. Une femme, de nationalité italienne, est décédée le 28 février 2015 laissant à sa survivance ses quatre (4) enfants dont l’un est prédécédé et représenté par son fils, petit-fils de la défunte. La défunte (de cujus) avait, le 17 avril 2002, devant un notaire français, en présence de deux témoins et avec le concours d’une interprète de langue italienne, institué ses trois (3) filles légataires de la quotité disponible ordinaire.
Le petit-fils du 4ème enfant prédécédé assigne ses tantes en nullité du testament.
Question posée en l’espèce sous analyse : un testament reçu dans une langue non comprise du testateur, mais avec l’aide, cependant, d’un interprète, est-il valide en tant que testament international ?
Réponses des diverses juridictions saisies 👇 :
- La cour d’appel juge le testament valide, et ce nonobstant le non-respect des règles de forme pour un testament authentique (recours à un interprète non autorisé avant 2015). Elle considère que le testament respecte les exigences d’un testament international. Le petit-fils forme, alors, un pourvoi en cassation pour contester cette décision.
- La première chambre civile de la Cour de cassation juge que, même pour un testament international, le document doit être rédigé dans une langue comprise par le testateur. Ainsi, selon la cour, un testament rédigé dans une langue étrangère, même avec l’aide d’un interprète, n’est pas valable.
- La cour d’appel de renvoi, chargée de rejuger l’affaire, ne suit pas cette interprétation. Elle estime en effet que le testament contesté est valide en tant que testament international, car l’assistance d’un interprète a permis de surmonter les difficultés de compréhension du testateur. Le petit-fils, conteste cette nouvelle décision et forme un nouveau pourvoi en cassation.
- La résistance de la cour d’appel fait que l’affaire est jugée en assemblée plénière ;
- Selon l’Assemblée plénière : (…) « la loi uniforme permet qu’un testament soit écrit dans une langue non comprise du testateur dès lors que, dans ce cas, celui-ci est assisté par un interprète répondant aux conditions requises par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée à instrumenter a été désignée » (…).
La Cour décide donc : 📣📣📣 qu’un testament international peut être rédigé dans une langue que le testateur ne comprend pas, sous réserve que certaines conditions soient remplies. Si le testament est rédigé dans une langue étrangère, le testateur doit être assisté d’un interprète. Cependant, la loi dont dépend le notaire en charge d’établir le testament doit autoriser le recours à un interprète.
Et en France, que prévoit la loi ?
Depuis une loi du 16-2-2015, n°2015-177, le recours à un interprète est autorisé pour les testaments par acte authentique mais cette autorisation ne concerne que les testaments établis à partir du 18 février 2015 et l’interprète doit être inscrit sur une liste d’experts judiciaires.
- En l’espèce jugée, le testament a été rédigé par un notaire français en 2002, donc avant le 18 février 2015, avec l’aide d’un interprète qui n’était pas inscrit sur une liste d’experts judiciaires.
- Par suite, ce testament ne pouvait être validé ni comme testament authentique ni comme testament international.
- La Cour de cassation censure donc la décision de la cour d’appel pour non respect des conditions nécessaires à sa validité.
(…) 21. En statuant ainsi, alors qu’à la date du testament litigieux, aucune disposition légale ne permettait, tant en matière de testament international qu’en matière de testament authentique, de recourir à un interprète pour assister un testateur ne comprenant pas la langue du testament, la cour d’appel a violé les textes susvisés (…).
Désormais (à compter du 18-2-2015), on retiendra, ✔✔✔ qu’un testament international peut être valable même s’il est rédigé dans une langue que le testateur ne comprend pas, à condition que le recours à un interprète soit autorisé par la loi et que l’interprète soit inscrit sur une liste d’experts judiciaires, si la loi l’exige.
Je vous invite à lire le communiqué pédagogique sur le déroulé de cette affaire et la leçon à retenir
(le Droit annoncé par la Cour de cassation) 👇
Communiqué : Validité sous condition d’un testament rédigé dans une langue que ne comprend pas le testateur
📙📚 « Les modifications du droit des successions par la loi du 16 février 2015 », in Defrénois 15 mars 2015, n° 118z9, p. 250, M , agrégé des facultés de droit, professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris 2), , professeur à l’université Vincennes – Saint-Denis (Paris 8)